Un jour Toto sera ministre
Éditorial de Sébastien Lacroix dans L’Union du 10/04/2014
Cela résume parfaitement le sentiment que j’ai sur l’avenir de la pédagogie et sur la politique.
Toto est nul en orthographe. A force d’avoir zéro à ses dictées, il déprime et ne fait plus aucun effort pour progresser. Alors son maître décide de passer à une « évaluation positive » et de lui attribuer des points lorsqu’il parvient à écrire des mots sans faute. Pour l’aider, il lui donne aussi un point s’il arrive à l’heure en cours, un point s’il a pensé à prendre un stylo, un point s’il coupe son portable. Résultat, Toto n’a plus zéro et il est fier. Le jour où Toto cherche un boulot, il envoie des CV partout. Il n’est retenu nulle part car les méchants patrons choisissent les candidats ne faisant pas de faute d’orthographe.
Pour s’occuper, Toto passe son permis de conduire. Mais il échoue car il confond les panneaux et renverse des piétons dans les rues. Un jour, pour ne pas décourager Toto, l’administration l’embauche malgré ses fautes d’orthographe. Et ordonne qu’on lui donne son permis de conduire en lui attribuant un point à chaque fois qu’il évite un piéton qui traverse ou reconnaît un panneau de sens interdit. Grâce à « l’évaluation positive », Toto n’est pas au chômage. A quelques détails près c’est la réforme qu’entend mettre en place l’Education nationale pour valoriser les progrès des élèves en orthographe. Il faut croire que d’éminents chercheurs en sciences de l’éducation ont pesé le pour et le contre pour arriver à la conclusion qu’il y avait là un moyen de tirer le niveau moyen vers le haut. Pas de doute, en remontant les mauvaises notes, on remonte la moyenne.
Le problème, c’est que, dans la vraie vie, la compétition n’est pas indulgente avec ceux qui font des fautes. Un excès de vitesse, et hop !, un point en moins. Une erreur de calcul sur sa déclaration de revenu et hop !, un redressement. Trois retards au boulot et hop !, une mise à pied. Si, pardon, il existe une station expérimentale de l’évaluation positive. C’est le PS. Là, vous pouvez devenir premier secrétaire sans rien faire, puis, si vous ne faites toujours rien, pour ne pas vous décourager, on vous nomme ministre des affaires européennes.
So young to be such a buffoon