Oswiecim day 2
Belle journée du 30 octobre, Dorothea nous attend à 8h30 à Birkenau.
Il faut savoir que le KL Auschwitz (comprenez Konzentration Lager)
est un immense complexe de 3 camps principaux (Auschwitz/Birkenau/Buna Monovitz) avec une quarantaine de sous-camps qui y sont raccrochés.
Il fait beau, mais le froid nous transperce… Birkenau, c’est 170 ha balayés par un vent qui ce matin est glacial.
On remet nos écouteurs, béret, foulard, écharpe…
C’est parti…
Ça c’est une vue de l’intérieur, avec cette voie ferrée construite au printemps 1944, destinée à amener les Juifs au plus près des chambres à gaz…
La visite commence dans cette « tour » avec Ginette…
Elle trouve le paysage presque beau ce matin. C’est calme, c’est propre. Elle ferme les yeux et nous demande d’imaginer un endroit de marécages, de visionner des femmes ou des hommes décharnés creusant des canaux pour drainer ces champs pleins de boue…
Et puis les rails….
« c’est moi qui ait construit cette voie ferrée… Mais comment ai-je fait pour transporter des charges aussi lourdes? »
Elle semble encore douter de tout cela…
Car Ginette, elle est arrivée au temps de la Judenrampe, située à 1km de Birkenau, un quai sur lequel s’opère la « sélection ».
Et sa voix se ramollit, elle évoque son arrivée:
« quand nous descendons sur le quai après 3 jours d’un « voyage » abominable, les nazis nous montrent des camions qui portent une croix sur la bâche. Ils demandent aux plus faibles de ne pas se fatiguer davantage et de monter dans ces camions. Je pousse mon père et mon petit frère de 12 ans en leur disant que l’on se retrouvera à l’intérieur… Je suis naïve, j’ai 19 ans, je crois que je viens pour travailler. Je ne les ai jamais revus. Et quand je pense que c’est moi qui insiste pour qu’ils montent dans le camion….
silence de mort dans la pièce….
La visite continue… On marche dans la neige, la portée des appareils nous permet d’entendre Dorothea tout en restant à une bonne distance.
C’est bizarre, ce matin, personne ne se regarde ni ne se sourit… On est seul face à tout ce que l’on ressent, emmitouflés et perdus dans nos pensées.
Seule la voix de Dorothea nous raccroche au présent…
On entre dans le bloc des latrines, on écoute attentivement des choses qui nous dépassent… Raconter l’indicible, voilà la lourde tâche à laquelle ils se trouvent confrontés…
Alors Raphaël nous donne son astuce en souriant:
« contre la dysenterie, 2 jours de jeûne et de charbon »
Puis on entre dans les baraquements des hommes
Et là encore, cette photo que nous avons 100 fois montrée aux élèves ou vue dans les livres, elle s’anime…
« tout en haut, la meilleure place: bien sur on craint les coups du Kapo mais que dire de ceux qui en pleine nuit reçoivent la diarrhée, le sang de celui qui se vide au dessus? »
Et puis on est dans le block de Ginette, le block des Françaises, elle parle de Simone, sa bonne copine!! Simone Veil bien sur!
Est-ce l’émotion? est-ce le froid? Toujours est-il que Ginette s’étale de tout son long, elle a raté une marche. On la relève…
« -ça va Ginette? Vous vous êtes fait mal?
-j’ai pas le droit d’avoir mal, ici »
Tiens, prends ça dans ta gueule et rappelle toi qu’elle a 87 ans!
Elle nous tourne le dos, 1 minute et ça repart! Ça doit pas être facile de vivre tous les jours avec Ginette!!! D’ailleurs, personne ne se plaint….
À Birkenau, un savant système de chambre à gaz à été mis en place pour procéder à l’élimination massive, systématique et organisée de la population juive. 4 très grands complexes pouvant accueillir entre 750 et 1400 personne en une seule fois….
Ça fait froid dans le dos…
De ces complexes il ne reste presque rien, tout à été démantelé à la fin de la guerre pour tenter de cacher tant bien que mal l’existence d’une telle barbarie…
Seules des ruines comme témoins de cette histoire si proche de nous et pourtant si inimaginable…
1,1 million de morts à Birkenau
Il est 15h30, retour à la réalité, on enlève les casques, je suis tout étourdie… On a marché sans interruption depuis ce matin, on dirait que le temps s’est arrêté, on pourrait les écouter pendant des jours…
Avec ma collègue de lettres, Laetitia, on commence à se dire qu’on pourrait organiser un voyage scolaire, que ça vaut le coup d’y amener des élèves…
Et c’est à ce moment précis que les 2 profs assises derrière nous dans le bus s’offusquent parce qu’on a sauté l’heure du repas….
Curieuse nature humaine….
Alors je repense aux mots de Dorothea sur le bonheur et sur notre recherche du bonheur,
Alors je repense à Raphaël et à Ginette qui n’éprouvent aucune rancœur, qui témoignent pour les générations futures, qui sont là pour la paix dans le monde bordel de mer**!!!?!??!
Et je me dis que c’est pas encore gagné…..
D’accord, il est 16h, d’accord on n’a pas mangé mais on est à Auschwitz-Birkenau WTF?????
Quelques heures de débriefing plus tard, nous sommes un petit groupe à nous donner de la force et à essayer de remettre nos idées en place par rapport à la leçon de vie que ces 2 personnes nous donne…
Polish style of course!
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quel souvenir ce recit me rappelle ! je devais avoir une quinzaine d’annees quand nous avons visite le camp du Struthof en Alsace avec les parents et a l’epoque il n’y avait pas autant de fims ou de reportages a la television. Je me souviens avoir pris cette visite comme une grande claque au travers de la figure !
Merci pour ton temoignage