Oswiecim
Derrière ce mot plein de promesses de voyages s’en cache un autre, rempli d’histoires de voyage, un autre voyage…
Pour tous les non-Polonais qui suivent ce blog, Oswiecim ça signifie Auschwitz.
Voilà maintenant 15 jours que j’en suis revenue…
Voilà maintenant 15 jours qu’Helene attend…
Le problème, c’est qu’il faut le digérer ce voyage…
Retour en quelques explications…
le poids des mots
Retour en quelques images…
le choc des photos
Départ lundi 29 octobre, tôt le matin, pour Cracovie…
Deux heures après, nous voilà-nous les 44 profs ainsi que nos 3 accompagnateurs-arrivés à Cracovie, sous la neige… Et accueillis par de vieux avions militaires de l’ère soviétique, signe d’une époque révolue de guerre froide et autre guéguerre idéologique….peu engageant…
En route pour Auschwitz, où un excellent repas polonais bien chaud nous est servi… On est traité comme des rois, on rit, on discute, on plaisante en dévorant notre bortsch et en regardant tomber les gros flocons…
Et puis, nous y voilà: à 14h, notre excellente guide Dorothea vient nous chercher, nous donne nos casques et la visite peut commencer…
J’y suis…
Le voilà ce fameux portail… Et dans le casque, il y a comme un bruit qui nous gêne…
On s’arrête devant le portail et Dorothea s’aperçoit que le bruit qui nous gêne est celui de son cœur, que le micro amplifie…
On passe le portail, on se retrouve dans le camp, presque seuls… Et Dorothea a déplacé son micro… Je n’entends plus son cœur… C’est symbolique? On passe le portail et son cœur « s’arrête »…. En tous cas, ça renforce le malaise que je ressens depuis quelques minutes déjà…
La neige efface les bruits… Tout est si calme… J’aime pas trop beaucoup ça…..
Et puis la visite se déroule, on engrange des infos, on marche, on questionne… On se regarde, on se sourit…
Et puis, on s’est aperçu que la nuit tombait vite à l’Est…
Et puis on s’est aperçu que marcher dans la neige, la nuit, dans le froid et le brouillard, c’était dur….
Et puis on a senti l’émotion de Raphaël Esrail, déporté à 18 ans parce qu’il fabriquait des faux papiers, lorsqu’il nous avoue que les conditions climatiques lui rappellent des souvenirs… Il est ému, on le ressent… Il s’arrête pour commenter certains endroits… Sa cellule, le mur des fusillés… Et il rend tout ça si proche, on a l’impression d’entendre crier…
Et puis il y a Ginette…
Et curieusement, j’ai envie de chanter les Têtes Raides…
et là y a la Ginette qui valse en guinguette
qu’a toujours un verre d’avance
des fois qu’on ferme la dernière porte
faut s’enivrer quoi qu’il arrive
et puis rêver et faire la fête
c’est des musiciens sur des tréteaux
tôt ou tard ça va s’écrouler
mais leur histoire on s’en fout
Ginette continue à tourner
sur cet air de ferraille et de verres cassés
allez Ginette!…
Et en effet elle danse Ginette, tombée par hasard au mauvais moment au mauvais endroit…
Arrêtée le 13 mars 1944, déportée par le convoi 77 avec son père, son Frère de 12 ans et son neveu de 14 ans…
Ginette, c’est une force de la nature…
-« ça va Ginette, vous n’avez pas froid?
-non, je n’ai pas le droit d’avoir froid. »
…Prends ça dans ta figure et rappelle toi qu’elle a 87 ans…
La visite continue:
dans une salle, 2 tonnes de cheveux… Je ne peux même pas prendre de photos avec l’iPhone, je ne sais même pas si j’en ai une sur l’appareil (mais j’en ferai un album…)
Dans une autre salle, les bagages et les paniers, avec les noms et les adresses écrits à la hâte par des gens qui ne les récupèreront jamais… Et qui seront ramassés par le kommando « Canada » parce que pour les Allemands, ce mot signifie « Eldorado »… Et dont les richesses seront renvoyées au Grand Reich…
Et puis, la pièce des chaussures…
Dans celle des habits d’enfants, je ne reste pas…
Et dans le pavillon français, une pièce avec des centaines de photos d’enfants français déportés… Je me sens mal et je crois que c’est général, quelqu’un vomit….
Il est presque 19h, Dorothea nous indique des toilettes dans le block 17 et nous dit de la rattraper plus loin….
NO WAY!!! Sortir des WC, dans la nuit, seule et sous la neige, avec ce brouillard épais qui nous enveloppe comme du coton, je n’y pense même pas… Plutôt me faire pipi dessus…
Et sur l’Appelplatz, je pense à ces appels de 3 ou 4 heures, par moins 10 degrés, comme cette nuit… J’ai froid, et je pense que je porte une doudoune et des bottes avec semelles « chaleur »…
Comment est-ce possible autrement????
La visite s’achève….par la chambre à gaz et les fours crématoires… Brrrrrr…. Vite, je veux sortir….
Quelques minutes plus tard, confortablement installés dans notre bel hôtel, dégustant un excellent repas servi devant la cheminée….
… Je ne résiste pas à un peu d’alcool….Avant les 3h de réunion qui nous attendent ce soir!
On discute, on rit, on plaisante…
Mais on appréhende tous la visite de Auschwitz II-Birkenau qui doit avoir lieu le lendemain…
À chaque jour suffit sa peine…
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Ouch ce que c’est dur, terrible et triste, mais comment celà pourrait être autrement. Merci Laëtitia de faire ça, j’ai même envie de dire merci de faire ça pour moi qui n’aurais sans doute jamais le courage de le faire, et merci de nous le raconter. C’est glaçant, c’est effroyable, c’est horrible. J’ai la gorge nouée et je pense à toi. J’essaie d’imaginer le temps qu’il t’a fallu pour qu’elle se dénoue! Sans parler de Raphaël et Ginette !
Ca valait le coup d’attendre ce post. C’est un très beau témoignage que tu rends. J’ai senti le froid et les émotions me traverser. Continue de raconter.
Bon, ok… Même si j’apprécie l’humour noir, là, c’est pas possible…
J’en ai des frissons à lecture.
Excellent témoignage. Le poids des mots: je crois qu’effectivement ce post est lourd de souvenirs et difficile à (sup)porter.
ben